Alors on danse…
Récit d’un passage de frontière épineux le 14 juillet… Nous quittons aujourd’hui Chymkent, en direction d’Almaty, nos papiers en règle et nos estomacs remis en place…
En voilà une journée Rock-N-Roll…
Au réveil, je sais que la journée ne va pas être de tout repos. Est-ce par ce que notre visa ouzbek se termine aujourd’hui et qu’il nous faut absolument quitter le pays ? Est-ce parce qu’à 8h du matin, il fait déjà plus de 30°C ? Ou est-ce parce que Camille a été malade toute la nuit et que je sais que sa journée va lui sembler éternelle ? Les 3, mon capitaine !
Laissant Camille se reposer dans la chambre de notre B&B, je prépare les vélos (vérification des pneus, mise en place des sacoches). Les quelques minutes que cela me prend me font déjà transpirer abondamment. Damned ! Je filerai bien au bord de mer pour prendre un bain…
A 9h, il faut se rendre à l’évidence : Camille n’est pas en état de rouler (à mon avis, elle aurait dû accepter le remède proposé sérieusement par notre hôte : un verre de vodka…). Pourtant, il nous faut coûte que coûte quitter le pays car dans quelques heures, notre visa s’achève. Nous appelons donc un taxi, en lui précisant qu’il doit transporter 2 cyclistes, 2 vélos et plein de sacs. « No problem » (il n’y a jamais de problème en Ouzbékistan, ce qui est normal, car avec un flic tous les 50 mètres à Tachkent, on n’a pas envie d’avoir des problèmes, mais plutôt des solutions. Bref). Évidemment quand le taxi débarque, ce n’est pas un van ou un monospace mais une bonne vieille Lada (What else ?) avec une grille sur le toit…Camille s’écroule à la place du mort pendant que je fais une danse acrobatique avec les vélos pour les monter sur le toit. Nous voilà partis pour la frontière…
Celle-ci est piétonne. Il nous faut donc quitter notre « machina » (voiture) pour la passer. Un poste frontière piéton, en Asie centrale, c’est tout un poème ou plutôt un concert. Pas vraiment le genre « musique de chambre » mais plus « concert punk au festival de Briouze ». Ça grouille, ça se bouscule, tout le monde veut être devant les autres, ça traficote un peu…On montre son passeport une fois, deux fois, X fois. La chanson tourne vite en boucle et le refrain devient entêtant :
« Passeport ! ». Le voici…
« At kuda » (d’où venez-vous?). Tachkent…
« Kuda » (où allez-vous?). Almaty…
« Patum » (ensuite ?). Ensuite ? Ensuite ? Non mais t’as vu l’état de ma meuf ? Tu vois pas que je suis
en train d’essayer de gérer une minute après l’autre, là ????
Tous les 20 mètres, Camille est stoppée par de violents spasmes. Nous progressons lentement.
Dans le poste ouzbek, c’est l’enfer : il fait chaud, nos vélos encombrent le passage, il faut enlever les sacoches, les faire passer au scanner. Camille n’est pas en état, elle craque. Ses larmes sont néanmoins efficaces : un médecin arrive presque instantanément et quelques minutes plus tard, nous passons devant la file d’attente…Entre les deux, j’improvise une danse avec différents partenaires : son vélo, le mien, les 8 sacoches. Oui-monsieur-l’agent-bien-sûr-que-je-peux-ouvrir-cette-sacoche-pour-vous-montrer-son-contenu…
Camille avale une pilule magique proposée par le médecin de garde. Tandis que ses larmes sèchent, je ruisselle. La Caravane n’a pas fière allure…Coup de blues…mais coups de tampon sur le passeport également ! Ouf, on peut avancer au prochain morceau.
Deux postes, deux ambiances. Nous arrivons en terre kazakhe où le bakchich est tout aussi roi qu’en Ouzbékistan. Mais contrairement aux mamies qui traficotent dans le coin, nous n’aurons pas besoin de sortir les billets. En tant que touriste, ou cycliste, ou malade-et-garde-malade, on nous fait encore passer devant tout le monde. Les badauds, qui juste avant essayaient de nous doubler par tous les moyens, nous laissent maintenant passer avec le sourire. Je ne comprends rien à ces funky-countries…
Oui, monsieur l’agent, bien sûr que je peux mettre les 8 sacoches sur le tapis roulant. Pour tout vous dire, après l’art du snack et Alliance Ethnik, ma 3ème passion dans la vie est d’enlever et de remettre les sacoches sur mon vélo. Voyez-vous, votre demande me comble de joie. Et mon amie qui est au bord du gouffre et moi-même avions justement envie de perdre les dernières centilitres d’eau de notre corps en nous agitant…
Clac, clac. Le tampon claque sur le passeport. Nous voici au Kazakhstan…au milieu de nulle part. Le temps d’avaler une boisson fraîche et nous repartons sur la piste, pour négocier un prix d’ami avec un nouveau taxi, afin qu’il nous amène à Chymkent, où Camille pourra se reposer et où nous pourrons nous enregistrer auprès de la police de l’immigration.
Le temps de recharger les batteries et…on remet le son !
Marc